Au fil du temps, la quête de notre vraie nature, de cette vérité que nous sommes, a été décrite sous une multitude de formes en résonnance avec la tradition à laquelle elle était associée.
Dans la tradition du bouddhisme Zen, cette description prit la forme d’une série de gravures sur bois accompagnées de courts poèmes suivit de commentaires.
Ces gravures illustrent les différentes étapes de la progression de l’adepte dans son cheminement vers sa véritable nature.
C’est, dit-on, un ancien maitre Taoïste qui fut le premier à graver sur bois ce cheminement vers l’éveil connu au sein du Ch'an Chinois comme : Le Rassemblement des Dix Bœufs ou, dans la tradition japonaise du Zen, sous l’appellation : Les 10 Taureaux du Zen. Plus tard, Kakuan, autre maître chinois du Ch’an, ajouta des commentaires à ces images, les rendant ainsi plus accessibles pour nous.
Déroulez la page et suivez les empreintes...…
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« Dans les pâturages de ce monde je n'ai de cesse de fouiller les longues herbes à la recherche du taureau. Suivant des rivières inconnues, perdu dans les épais chemins de lointaines montagnes, ma force défaillant et ma vitalité exténuée, je ne peux trouver le taureau. Je n'entends que le crissement des sauterelles à travers la forêt dans la nuit. »
Le taureau n'a jamais été perdu. Quelle nécessité y a-t-il donc à le chercher ? Uniquement à cause de la séparation d'avec ma vraie nature, j'échoue à le trouver. Dans la confusion des sens, je perds même ses traces. Loin de chez-moi, je discerne plusieurs chemins possibles mais lequel est le bon ? Je ne sais pas. Désir et peur, bien et mal s'enchevêtrent.
« Au long de la berge, sous les arbres, je découvre des empreintes de pas ! Même sous l'herbe odorante, je vois ses traces. Cachées dans les montagnes lointaines, elles sont trouvées. Pas plus qu'un nez ne pointe vers le ciel, ces traces ne peuvent plus être cachées. »
Comprenant l'enseignement, je vois les empreintes du taureau. J'apprends alors que tout comme certains ustensiles sont faits du même métal, pareillement des myriades d'entités sont fabriquées à partir du soi. Jusqu'à ce que je fasse la part des choses, comment pourrais-je discerner le vrai du faux ? Je n'ai pas encore passé la porte, j'ai néanmoins discerné le chemin.
« J'entends le chant des cigales. Le soleil est chaud, le vent est doux, les saules sont verts le long de la rive. Ici aucun taureau ne peut se cacher ! Quel artiste peut peindre cette tête massive, ces cornes majestueuses ? »
Lorsque l'on entend la voix, l'on peut intuitivement en sentir la source. Aussitôt que les six sens s'unifient, la porte est passée. Lorsque l'on entre, l'on voit la tête du taureau ! Cette unité est comme le sel dans l'eau, comme la couleur dans la teinture. La plus petite chose n'est pas séparée du soi.
« Je le saisis au prix d'une lutte acharnée. Sa puissante volonté et sa force sont inépuisables. Il fonce vers les hauts plateaux, loin au-dessus des nuages Ou se tient au fond d'une ravine impénétrable. »
Il est longtemps demeuré dans la forêt mais aujourd'hui je l'ai attrapé ! L'engouement pour le paysage le distrait de la voie à suivre. Désireux d'herbes plus suaves il s'écarte, son caractère est encore têtu et débridé. Si je veux qu'il se soumette, je dois lever mon fouet.
« Le fouet et la corde sont nécessaires Sinon il pourrait se perdre dans les chemins poussiéreux. Étant bien entraînée, il devient naturellement docile. Alors sans entrave, il obéit à son maître. »
Quand une pensée monte, une autre suit. Quand la première pensée émerge de l'illumination toutes les pensées qui suivent sont vraies. À travers les illusions, l'on fausse chaque chose. Les illusions ne découlent pas de l'objectivité, elles résultent de la subjectivité. Tenez fermement l'anneau du nez et ne permettez aucun doute.
« Montant le taureau, je retourne tranquillement à la maison. Le son de ma flûte résonne à la tombée du soir. Battant la mesure de la pulsation harmonieuse avec mes mains, je dirige le rythme sans fin. Quiconque entend cette mélodie se joindra à moi. »
La bataille est terminée, les gains et les pertes sont assimilés. Je chante la chanson du bûcheron du village et je joue l'air des enfants. À cheval sur le taureau j'observe les nuages au-dessus de moi. Je continue d'avancer, quel que soit celui qui pourrait me rappeler vers l'arrière.
« À cheval sur le taureau, j'arrive à la maison. Je suis serein. Le taureau aussi peut se reposer. L'aube est venue. Au sein de ma demeure de paille, dans un repos bienheureux, j'ai abandonné le fouet et la corde. »
Tout n'est qu'une seule loi, pas deux. Nous ne faisons du taureau qu'un sujet temporaire. C'est comme la relation du lapin et du piège, du poisson et du filet. C'est comme l'or et l'ordure ou la lune qui émerge des nuages. Un chemin de claire lumière voyage à travers un temps sans fin.
« Le fouet, la corde, la personne et le taureau, tout fusionne dans rien. Ce paradis est si vaste que rien ne peut le souiller Comment un flocon de neige peut-il exister dans un feu rageur ? Ici se tiennent les empreintes des patriarches. »
La médiocrité a disparue. Le mental est dégagé de sa limitation. Je ne cherche aucun état d'illumination pas plus que je ne reste là où l'illumination n'est pas. Depuis que je ne persiste plus dans aucune de ces conditions aucun œil ne peut me voir. Si des centaines d'oiseaux répandent des fleurs sur mon chemin, une telle louange reste insignifiante.
Trop de pas ont été faits en retournant à la racine et à la source. Mieux aurait valu être sourd et aveugle dès le début. Enraciné dans sa vraie demeure, sans être concerné par l'extérieur la rivière coule tranquillement et les fleurs sont rouges. »
Depuis le début la vérité est claire. Calme en silence j'observe les formes d'intégration et de désintégration. Celui qui n'est pas attaché à la forme n'a pas besoin d'être reformé. L'eau est émeraude la montagne est indigo je vois ce qui crée et ce qui détruit.
« Pieds nus et la poitrine découverte, je me mêle aux gens de ce monde. Mes vêtements sont en lambeaux et chargés de poussière ; je suis à jamais joyeux. Je n'utilise aucune magie pour prolonger ma vie, Maintenant devant moi les arbres deviennent vivants. »
À l'intérieur de ma porte un millier de sages ne me connaissent pas. La beauté de mon jardin est invisible. Pourquoi quelqu'un devrait-il chercher les empreintes des patriarches ? Je vais sur la place du marché avec ma bouteille et retourne à la maison avec mon bâton. Je visite l'échoppe de vins et le marché et tous ceux que je regarde deviennent lumineux.